Liam Gallagher : Rock’n Roll Star

Le 7 mars dernier, Liam Gallagher renouait avec son public belge dans une Ancienne Belgique (AB) survoltée. Le chanteur britannique venait y défendre son premier album solo « As You Were », sorti le 6 octobre 2017. Overdrive était présent pour assister au retour gagnant de l’enfant terrible du rock anglais.

Alors que beaucoup ne l’attendaient plus, Liam Gallagher a fait un retour fracassant au début de l’été 2017. Près de trois ans après la fin de Beady Eye, il nous propose « As You Were », un album prometteur, qualifié par beaucoup de retour aux sources. Le tout agrémenté d’une tournée mondiale qui ravira les fans. Tournée qui se jouera à guichets fermés, alors que dans le même temps l’album se classe en tête des ventes aux Royaume-Uni. Il s’y écoulera à plus de 103 000 exemplaires la première semaine, dont 16 000 exemplaires en vinyl, soit la meilleure vente d’album en une semaine dans ce format depuis plus de 20 ans. Autant préciser d’emblée que le contenu de l’album est à la hauteur de ces statistiques affolantes.

Débuts prometteurs

Si l’ex-Oasis est de retour, ce n’est pas pour faire office de figurant. Wall of Glass, premier single sorti le 1er juin 2017 annonçait déjà la couleur franchement rock’n roll d’un album attendu tant par les fans que par la critique. On passe ensuite de l’agressivité du premier single à la passivité onirique de Chinatown. For What It’s Worth me laissera planer sans repos ni trêve. Greedy Soul boucle le bal des singles de la plus belle des manières avec un son pop rock qui ne perd pas de temps et nous laisse entrevoir l’âme de ce nouvel album. En l’espace d’un instant je veux rêver, je, … Non. Oasis est bel est bien fini, il faut que je me fasse à l’idée. Quelle horrible idée. L’album dans mes mains ne restera pas longtemps, il sera joué en boucle, encore et encore. Il claque. Il me saisit avec ses riffs puissants qui fondent harmonieusement pour s’associer à des balades quasi-acoustiques dont seuls les ex-Oasis ont le secret. « As You Were » marque sans aucun doute le seul vrai début de la carrière solo de Liam Gallagher.
Un album complet, on s’y ballade et on découvre au fil des paysages nouveaux quelques lieux évocateurs, quelques souvenirs. On monte, on descend, la touche rock’n roll ne nous quitte pas et est même bien plus ferme que chez son frangin. Mais là je me dis quand même que quelque chose en moi s’est réveillé. Serait-ce un énième souvenir qui me rappelle la puissance des riffs pressés mais flegmatiques et des mélodies lancinantes d’Oasis ? Impossible de les dissocier complètement, c’est obsédant, cela m’indispose même. Il faut se rendre à l’évidence, les frères Gallagher, malgré les différends qui les opposent, restent irrémédiablement liés par Oasis. Cela induira toujours un souci d’objectivité pour nous mélomanes, leur musique a une dimension siamoise tantôt évidente, tantôt insaisissable. Je pense qu’il faut l’accepter…

Hanté par Oasis

Alors qu’on l’attend impatiemment depuis près d’une heure, Liam fait son entrée sur la scène de l’AB avec en tapis Fucking in the Bushes. Comme toujours, ce qui frappe chez lui c’est son air bougon, presque dédaigneux. Il a également opté pour la barbe et affecte une fierté et une indifférence quasi indigeste envers son public. Il attaque fort puisqu’il nous sert d’entrée une tonitruante interprétation de Rock’n Roll Star et surenchéri avec le titre Morning Glory. La foule est hors de contrôle, et reprend les paroles avec une intensité que j’ai rarement vécue lors d’un concert. En à peine dix minutes, il a retourné l’AB. Viennent s’ajouter ensuite les incontournables crowd surfing et lancers de gobelets à moitié remplis. Plus aucun doute n’est admis, le passé est assumé et Oasis fera partie intégrante de ce concert. Et quel plaisir de le voir pour ses débuts en solo, entouré de musiciens professionnels qui ne laissent rien au hasard. Greedy Soul et Wall of Glass viennent boucler la déferlante de cris, de sueur et de bousculades qui faisaient suite à son entrée fracassante. Il faut dire qu’on attendait ça depuis tellement longtemps, trop longtemps. Il arrive encore à laisser entendre un provoquant et émulateur « This stage ain’t no mad », autrement dit cette scène n’est pas enragée. Quelle chaleur dans cette salle, l’ambiance est incroyable. Quelques accords sur guitare acoustique laissent deviner le titre Paper Crown qui ouvre le bal des ballades enivrantes. Bold et For What It’s Worth complètent ce trio tout droit sorti de son album solo. Pari gagnant pour l’enfant terrible de Manchester dont les mélodies obsédantes sont reprises en cœur par un public qui s’autorise un déhanchement un peu nostalgique. Alors qu’on commençait à oublier Oasis, Some Might Say débarque en guise de piqûre de rappel. Les fans s’envolent et lèvent les bras au ciel, leurs yeux pétillent et leurs voix sont proches de la rupture. Le cadet des Gallagher reste imperturbable et arbore cette posture si caractéristique, les bras dans le dos, le menton pointé vers le plafond, les yeux à demi-ouverts. Il s’approche ponctuellement du bord de la scène comme pour afficher un peu plus son dédain qu’on sait forcément teinté d’une émotion latente. Les premières notes de Slide Away viennent quant à elles de faire entrer la foule dans une transe qu’elle ne quittera plus. Je me laisse aller et j’ai des frissons, je rêve d’un retour sur scène pour Oasis, je m’imagine au cœur d’une foule en délire dans le City Of Manchester Stadium en pleine Oasismania. L’effervescence ne quittera plus la salle lorsqu’il enchaînera tour à tour Come Back To Me et You Better Run, deux titres également issus du déjà culte « As You Were ». Tout est maîtrisé, il s’autorise quelques regards provocateurs suivis de l’un ou l’autre commentaire ou remerciement. Il nous prouve qu’il est bel et bien de retour avec un style beaucoup plus agressif que son frère, peut-être même plus rock’n roll. On adhère. Le voyage se poursuit en douceur avec Universal Gleam qui nous conduit tout doucement vers un final qu’on aimerait retarder encore un peu. Be Here Now et l’ultrapopulaire Wonderwall que les fans reprendront en cœur sans vaciller, nous assurent qu’en Liam Oasis brûle toujours.

Est venue l’heure du rappel. On en veut encore, on veut Oasis, on veut Liam, on veut vibrer en souvenir du bon vieux temps qui nous a hanté pendant tout le concert. J’en viens même à imaginer ce qu’en pense Liam. Est-ce que tout ça lui manque ? Son frère, Oasis, quand ils ne font qu’un et que les hordes de fans sont au bord de l’arrêt cardiaque ? Je m’égare dans ma nostalgie lorsqu’une intro de batterie reconnaissable entre mille retentit dans la salle, raz de marée humain, hystérie, Supersonic frappe à la porte. Il relance de plus belle avec Cigarettes & Alcohol, le déluge se poursuit. Quel final ! On saute comme aux premiers instants. Puis 3 minutes montre en main pour une version acoustique déstabilisante d’un autre succès incontournable du groupe : Live Forever. La fin est sèche, il a amputé une partie de la chanson, comme s’il lui manquait quelque chose. Mais il l’a fait, il nous a prouvé qu’il était un artiste solo accompli mais hanté par son passé. Nul doute qu’il continuera à exister tant en solo qu’au travers du spectre d’Oasis. Quel bonheur de le voir décoller à son tour.

« Thank you Brussels ! »

Les frères Gallagher sont les seuls à nous laisser à ce point heureux et malheureux à la fin d’un concert. Heureux, car face à nous s’épanouissent, avec un talent qui crève les yeux, deux frères ennemis, deux monstres du rock anglais, pionniers de la Britpop. Malheureux, parce que le fantôme d’Oasis n’est jamais très loin, il est ancré au fond de nous et ne nous quittera pas sans une renaissance. Je ne sais pas comment on se sent après un concert comme celui-là…

 

Article : Guillaume KEPPENNE