(Interview) Giacomo Panarisi de Romano Nervoso : « la musique est un mode de vie qui me tient en vie »

Tous droits sortis de La Louvière, ils font partie de ceux qui font battre le cœur du Rock belge à coups de riffs gras et de spaghettis. Le groupe Romano Nervoso est de retour avec un troisième album punk et urgent qui s’intitule « I Don’t Trust Anybody Who Doesn’t Like Rock’N Roll ». L’album, qui sortira ce samedi 24 février, a été produit par Pelle Gunnerfeldt (Paul Young, The Hives, The Knife…). Nous avons rencontré Giacomo Panarisi quelques jours avant la release de l’album au Botanique. L’occasion d’en apprendre un peu plus sur le leader du groupe, ses projets et la tournée à venir.

Guillaume : Le groupe fêtera ses 10 ans en 2019, est-ce qu’on peut s’attendre à quelques surprises à cette occasion ?
Giacomo : Écoute, tu viens de me rappeler que dans un an et demi le groupe va fêter ses dix ans, c’est une question qui va maintenant me turlupiner le cerveau. Donc je vais y penser. Là on comptait sortir l’album et faire une année complète de tournée en Belgique, en terminant si possible avec une grosse date comme l’AB par exemple. Alors après ça, ce n’est pas impossible qu’on sorte un « Ten Years Best Of », enfin je ne sais pas encore mais tu viens de m’y faire penser (rires).

Guillaume : Donc on peut s’attendre à une date à l’AB en 2018 ?
Giacomo : Alors là rien n’est fait, c’est une supposition. À la base la release de cet album devait se faire à l’Orangerie du Botanique, tout avait été signé, tout était OK. À l’exception près qu’au Bota on nous a booké La Rotonde. C’était un peu stupide puisqu’on avait déjà rempli cette salle, notre but était de faire plus gros, de jouer devant plus de gens. Donc là, vu l’engouement, on était déjà près à remplir une grosse salle.

Guillaume : On sait que Romano Nervoso se déplace parfois pour quelques concerts en Italie, est-ce que c’est au programme pour cette année ?
Giacomo : On a déjà été jouer trois fois en Italie. Là on a un deal avec un label italien, donc c’est prévu qu’on tourne en Italie. On va sûrement y retourner aux alentours d’octobre ou novembre. Il y aura aussi plus de promo cette fois car on a un album qui sort, donc les dates seront plus nombreuses, dans des plus grandes salles et le cachet sera plus important. Notre but est vraiment de pouvoir exporter le groupe à l’étranger et en Italie ça marche plutôt bien.

Guillaume : Et l’ambiance en Italie est plutôt différente à celle que vous retrouvez en Belgique ?
Giacomo : Il faut savoir que l’Italie traverse une crise économique plus marquée qu’en Belgique ou en France, les gens ont vraiment la dalle. Ils ont faim et quand ils viennent à un concert c’est pas pour venir juger. Là-bas ils veulent faire la fête, quand il y a un concert ils viennent pour tout casser. Et vu que je suis un Italien qui a immigré puis qui est de retour au pays, ils sont super contents de voir que les Italiens font autre chose que de la musique de merde et jouer au foot. Donc ils sont super heureux de voir des rockeurs qui s’exportent et ça se passe super bien. Le public italien est vachement plus dingue que celui qu’on retrouve en Belgique. Les gens qui viennent à notre concert ils payent l’entrée, puis c’est soit ils boivent deux verres, soit ils achètent un CD. Ils ne vivent pas dans le luxe, ils veulent se déchaîner, c’est beaucoup plus punk là-bas.

Guillaume : Vous remplissez quels genres de salles ? Est-ce que vous arrivez à avoir une assez bonne fanbase là-bas ?
Giacomo : Tout dépend de la zone. On a fait plusieurs tournées dont une qui partait carrément du Sud, donc des Pouilles jusqu’au Nord. On pouvait faire des salles de 100 personnes dans lesquelles il y avait 80 personnes, parfois plus, mais on s’est aussi retrouvé à jouer devant 40 personnes. Il y a deux ou trois ans on avait fait un concert du côté de Milan, dans une salle d’environ 300 personnes qui était quasi complète et qui chantait Mangia Spaghetti comme hymne national de la ville. Je pense que dans le Nord il y a quand même beaucoup de gens qui nous suivent. Ca fait chaud au cœur de voir que les Italiens savent rocker.

Guillaume : Vous nous avez habitué aux chansons en italien sur les albums précédents, on en retrouve quasiment pas sur cet album. Pourquoi ?
Giacomo : J’essaye vraiment de faire quelque chose de différent à chaque album. Le premier album était un truc assez rapide, il fallait trouver des dates et se faire connaître. C’était un peu comme une première branlette (rires), tu vois t’es excité, ça va vite, tu sais pas vraiment comment le faire mais tu le fais. Le deuxième album m’a vraiment permis d’explorer toutes mes origines italiennes, la moitié de l’album était en italien avec aussi des instruments typiques du pays. Pour le troisième album, je voulais vraiment revenir dans un style plus urgent, plus punk. Ces deux dernières années, j’ai constaté que le monde allait mal, que la vie allait mal, que c’était le bordel un peu partout. Donc faire un disque d’amour n’aurait pas été approprié. Moi j’étais sur les nerfs et ce qui est sorti de ma troisième branlette c’est ça. Elle était plus maîtrisée et plus rapide (rires).

Guillaume : On peut quand même s’attendre à vous voir reprendre des classiques italiens en version rock ?
Giacomo : Non pas tout de suite. Mais je suis en train de me pencher sur un album complètement solo dans lequel je vais essayer d’explorer toutes mes origines italiennes. Que ça aille de l’Opéra en passant par des Cantautori ou encore des groupes de punk italiens. Là j’y pense beaucoup, je compose pas mal. Il se pourrait que d’ici deux ans je sorte cet album solo vraiment à part de Romano Nervoso. Un truc qui regroupe 40 balais d’influences de musiques italiennes.

Guillaume : Tu envisagerais de collaborer avec des artistes italiens ?
Giacomo : Pour l’instant je m’occupe de l’écriture. Mais pour un album pareil, s’il y a des featuring à faire, le but serait quand même de choper de vrais artistes italiens. Je rêve peut-être en disant Adamo mais on a déjà joué avec lui donc pourquoi pas. Ou encore des artistes comme Mauro Pawlowski. Il y a pas mal d’italo-belges qui font de la musique en Belgique donc pourquoi ne pas leur demander ? Mais pour le moment j’en suis toujours au stade de l’écriture.

Guillaume : Tu dis beaucoup que le monde va mal, est-ce qu’il y a un rapport avec tout ce qui se passe aux États-Unis sur un titre comme American Dream par exemple ?
Giacomo : American Dream elle parle plutôt de la recherche de l’amour, le rêve américain on peut le mettre à toutes les sauces. Ici on est plus sur une chanson d’amour où le rêve américain représente le fait de trouver la personne avec qui tu te sens le mieux. En l’occurrence il s’agit de mon épouse, rencontrée il y a dix ans et avec qui je me suis marié il y a 3 ans. Par contre sur l’album précédent, la chanson Not Born In The USA dénonçait tout un tas de saloperies en rapport avec l’Amérique.

Guillaume : Rather Kill A Man (than an animal) c’est plus une ode à la cause animale ou plutôt une perte de fois en l’humanité ?
Giacomo : Un mélange des deux. Avec les années j’apprécie plus les animaux que la race humaine. L’animal il est fidèle, il va pas essayer de taper ta femme, il ne va pas te faire de mal ni te voler de l’argent. Un animal, si tu es son maître, il ne te fera jamais aucun mal. Et en sachant que nous on vient de là, en voyant ce qu’on est devenu et les choses horribles qu’on peut faire, tu te dis qu’il y a sincèrement un problème dans la race humaine. Donc cette chanson traite premièrement de la protection des animaux, parce que j’adore les animaux. Et deuxièmement, je suis de plus en plus dégoûté de la façon dont tourne le monde, un monde dirigé par l’être humain. Je préfère être à la maison avec ma femme et mes chats plutôt qu’à Bruxelles en soirée à me rendre compte que le monde part en couille.

J’ai rien contre vous hein (rires).

Mais donc pour moi l’Homme est un Homme à part entière et n’a plus rien en commun avec l’animal si ce n’est boire, manger, ketter et aller chier. Quand je les compare à l’homme je me rends compte que les animaux sont beaucoup plus affectueux.

Guillaume : Il y a une collaboration très remarquée avec BJ Scott sur la chanson In My Mind, comment ça s’est fait ? Elle connait ton avis sur The Voice ? (Rires)
Giacomo : Je n’ai rien contre The Voice à proprement parler. Ca va de The Voice aux Anges de la Télé Réalité en passant par la Star Academy. Moi je trouve que la télé est vraiment devenue un ramassis d’émissions voyeuristes de merde. Tout un tas de programmes qui te donnent l’illusion qu’en six mois tu peux devenir une star. C’est de la poudre aux yeux, il suffit d’essayer de se souvenir des gagnants, beaucoup ont été oubliés. C’est dégueulasse parce que tu sors de ces émissions avec un contrat pourri qui t’oblige à jouer les chansons d’un autre gars à la foire au boudin à « Foutfi les papiers peints ». Je suis contre la télé réalité, je ne regarde quasiment plus la télé à part les reportages sur les animaux, les nazis et les requins. Je suis plus porté sur internet.

Puis par rapport à BJ, on s’est rencontré lorsque je ne savais même pas qu’elle était dans The Voice. On s’est rencontré grâce à son émission sur Classic 21. Elle diffusait souvent nos morceaux et demandait aux auditeurs s’ils avaient des contacts pour qu’on puisse se rencontrer. Je lui ai ensuite envoyé un mail et on est même devenu potes. Et ensuite lors de la réalisation de l’album je lui ai demandé un coup de main par rapport au chant et à l’anglais. BJ, même si elle est coach dans une émission de merde, ça reste une des meilleures chanteuses. Franchement quand tu chantes après elle t’as l’air d’un con, faut t’accrocher. Je lui ai simplement proposé de chanter sur un morceau et elle a dit oui. Elle sera d’ailleurs présente à la release avec le groupe.

BJ est une défenseuse du rock, elle pense comme moi qu’il n’y en a pas assez sur le marché. C’est une bonne amie et on parle le même langage.

Guillaume : On peut s’attendre à combien de dates en pour cette tournée en Belgique ?
Giacomo : Je ne préfère pas trop m’avancer mais ce qui est sûr c’est qu’il y a beaucoup de demandes et qu’il y en aura encore plus après la sortie de l’album. J’attends que les contrats soient bouclés. Mais en Belgique on a vite fait le tour donc faut pas s’attendre à 60 dates. On verra comment l’album va être accueilli. Mais je ne m’en fais pas car on est un groupe à concert, on a toujours beaucoup tourné.

Guillaume : Et à l’étranger ?
Giacomo : Pour le moment on est en développement. On a joué dans pas mal de petits clubs, en France on a joué sur la tournée de No One Is Innocent et on a donc pu jouer dans des salles combles à plus de 1500 personnes. En Angleterre on a déjà joué plusieurs fois mais c’est ultra galère parce que c’est le pays du rock, t’as intérêt d’avoir le meilleur groupe du monde sinon faut même pas y aller. On sait que l’album a été pris en Allemagne, en Hollande aussi, on va relancer pour la France et l’Italie. Au mois d’août on a joué au Sziget Festival qui est le plus gros festival d’Europe. Pendant ce temps on galère pour être pris aux Ardentes ou à Ronquières… La Belgique est un peu surréaliste.

Guillaume : La musique, une affaire de show ou de business ?
Giacomo : Avant tout un mode de vie et ce qui me tient en vie. Si je n’étais pas musicien je ne sais pas ce que je branlerais de ma vie, peut-être que je serais pompier, parce que comme ça tu te rends utile à la population sans être un flic. J’ai aussi été éducateur de rue pendant quelques années, justement parce que veux me rendre utile à la société. Mais le business reste un passage obligé parce qu’il faut payer le loyer, s’acheter des fringues et à bouffer. De là à faire la pute dans le business, c’est vraiment pas mon style. Donc la musique est avant tout une raison de vivre et le meilleur métier du monde.

Guillaume : La chanson Meet The 300 Sicilians nous ramène à un univers très Western qui contraste un peu avec le style punk de l’album. D’où vous est venue l’idée d’un tel changement ?
Giacomo : Ma culture musicale ne se limite pas aux Buzzcocks ou aux Ramones. J’écoute vraiment de tout, j’ai aussi une culture assez large sur la musique italienne. Le Spaghetti Western ça vient de chez nous et la musique western m’a influencé. Je me suis inspiré des 300 Spartiates et je les ai transformés en 300 Siciliens qui vont à la mine. La chanson parle de mon grand-père qui a immigré ici et qui est descendu dans les mines. C’était pire qu’à la guerre, ou du moins tu avais autant de chances d’y rester qu’en partant au combat. Donc c’est un peu l’histoire de 300 Siciliens qui vont à la mine, qui vont à la guerre, qui se défendent jusqu’au bout mais qui sont presque tous morts suite à ça.

Guillaume : Est-ce tu pourrais citer un groupe belge dont on parle beaucoup à l’étranger mais qui est trop peu présent dans les médias en Belgique ?
Giacomo : The Experimental Tropic Blues Band devrait déjà figurer parmi les meilleurs groupes de Belgique. Depuis fin 90 début 2000 ces mecs jouent sans relâche dans plein de pays, ils y mettent énormément d’énergie, ils se renouvellent. C’est le genre de groupe à qui il faudrait donner 15 000 euros par cachet. Mais ici on les considère toujours comme le bon groupe de rock, sympa… Alors qu’ils ont des idées originales, ils viennent de sortir un film par exemple. Mais en Wallonie le rock n’est pas assez mis en avant. En Flandre par contre, dans le top cinq des meilleures ventes on retrouve Triggerfinger et The Sore Losers, des groupes qui ont encore des couilles. Mais ici dès que tu as un peu trop de distorsion et que tu cries trop fort on va vite te descendre parce que c’est pas à la mode.

En Wallonie, tu joues du rock on te file 500 boules et trois chopes, par contre Suarez on va te donner 15 000 euros, Alice on the Roof 32 000… c’est triste. Mais c’était pas comme ça il y 15 ans…

Guillaume : Les artistes avec lesquels tu voudrais collaborer ?
Giacomo : Triggerfinger, Mauro Pawlowski… Je rêverais de rencontrer Mike Patton.

 

Article et interview : Guillaume KEPPENNE, Arno GOIES et Renaud VERSTRAETE