Igor Gehenot, point d’orgue dans la nuit bruxelloise

Jeudi 22 mars, le Théâtre Marni nous a emmené, le temps d’une soirée dédiée aux grands classiques du jazz, dans l’univers foisonnant d’Igor Gehenot. Au sein de son “club”, dans une configuration plus intime, plus proche de son public, le Marni était un choix évident pour accueillir le trio orgue-guitare-batterie formé par Gehenot, Quentin Liégeois et Mathias De Waele. Nous avons pris le temps de nous y assoir, et de nous plonger, si loin mais si proche de l’agitation bruxelloise, dans une soirée hors du temps.

A peine rentrés, nous pouvons entendre les mélodies chaleureuses de l’orgue d’Igor Gehenot qui tapissent les murs du théâtre. Bien piètre mélomane serait le passant qui n’aurait envie de glisser une oreille dans l’entrebâillement de la porte du Marni.
Discret de prime abord, le trio nous accueille à la fin du soundcheck, et se joint volontiers à nous pour discuter de la soirée.

Leur formation peu commune, un « organ trio » (trio avec orgue), s’est formée assez naturellement. Sans prétentions initiales, les trois compères, qui se connaissent depuis un moment, sont passés de la collaboration ponctuelle à un projet qui risque bien de perdurer !
Cette formation est en effet le résultat logique de leur carrière, de leurs rencontres.
Igor Gehenot nous explique comment est né son attrait pour l’orgue. “Je suis venu au jazz par le funk, dans lequel il y avait cette tradition de l’orgue que j’aimais déjà bien. En fait, ça s’est déclenché quand j’ai vu un concert de Larry Goldings, un incroyable organiste, au Jazz Club à Dinant. J’ai vraiment eu un choc, et j’ai décidé de créer ce projet.”
Quentin Liégeois, lui, par son apprentissage de la guitare, a toujours eu un rapport particulier à l’orgue. Instrument phare pour accompagner la guitare dans le jazz, l’orgue “a une couleur particulière, qui colle bien avec la guitare”, nous explique Quentin. Ce qui l’a poussé à collaborer avec Igor pour ce projet. “Peu de guitaristes peuvent jouer dans des groupes avec orgue. C’est un répertoire que j’affectionne tout particulièrement.”

Après une entrevue très enrichissante, le groupe se retire en coulisses. Peu de temps après, le public remplit doucement la salle. Une dizaine de minutes plus tard, les lumières se tamisent, le trio rentre sur scène sous les applaudissement du public. Dès la première note d’orgue, des sensations envoutantes emplissent immédiatement la salle.

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Igor Gehenot Organ Trio, au Théâtre Marni (22 mars 2018), par Romain Charles

Pour le profane, il faut oublier tous ses a priori, se laisser embarquer par ce flot de notes, tantôt ouragan, tantôt fleuve tranquille, ressentir pleinement l’anarchie maîtrisée, le cyclone contenu dans le creux d’une main. Gehenot semble jouer avec une facilité déconcertante de son orgue, et emporte toute la salle avec ses envolées improvisées.
Mathias De Waele sublime l’orgue avec des pistes rythmiques imprévisibles, qui perturbent et dynamisent constamment les classiques repris du trio.
Enfin, Quentin Liégeois habille le tout de ses notes feutrées, avec une technique et un doigté fins et très solides.

L’orgue oblige, certains ne pourront s’empêcher de ressentir tout un univers urbain et nocturne lors de ce concert. Chaque note est alors un pas dans la nuit étoilée, et les solos sont autant d’enseignes néons qui se succèdent et racontent chacune une histoire différente.
Et cet univers aura pu s’offrir au public du Marni notamment grâce à la configuration que le théâtre propose. Loin des scènes de festivals que Gehenot arpente avec d’autres projets, une scène comme celle du Marni permet aux artistes de dévoiler une autre facette de leur musique. « 
C’est difficile de ne pas penser la musique en fonction de là où on va la jouer. Igor crée une texture musicale parfois propice à s’adresser à des gens assis sous un chapiteau en plein air, là où un club s’adressera à des publics peut-être différents, à des amateurs de jazz, et où les grands classiques auront peut-être plus leur place. » nous explique Quentin.

Avec ce projet, le trio veut donc s’inscrire sur le long terme, et se produire dans toujours plus de clubs belges. Fort d’une dizaine de dates déjà écoulées, le trio participera aux Jazz Lab Series début 2019.

 

 

Article : Romain CHARLES et Guillaume KEPENNE

Crédit photo de tête : Roger VANTILT