Shaka Ponk, entre Amour et Mal

Ce samedi 24 mars le groupe français Shaka Ponk a joué pendant plus de 2h30 à Forest National devant une foule surexcitée. L’occasion pour nous de parler un peu de leur dernier album « The Evol » !

Voilà maintenant 14 ans que Shaka Ponk, né à Berlin, impacte avec plus ou moins d’aisance la scène rock française. Leur troisième album, « The Geeks And The Jerkin’ Socks » était un réceptacle à tubes, et des singles comme My Name is Stain ou I’m Picky ont procuré au groupe une renommée internationale et une place sur les ondes. Les deux disques suivants, « The White Pixel Ape » et « The Black Pixel Ape », tout deux sortis la même année, avaient amorcé un tournant vers un son plus lourd et rock, s’éloignant un peu du Funk et du Hip Hop. La question était donc de savoir si les Ponks allaient continuer dans cette direction ou bien retrouver les sonorités de leurs débuts.

Frah et Samaha (les deux chanteurs) l’ont tous les deux avoués, leur studio d’enregistrement étant à quelques pieds du Bataclan, le groupe a souffert des attentats de Paris. « The Evol » est donc un titre qui prend tout son sens étant l’anagramme de « The Love » mais se prononçant presque comme « The Evil ». Selon la chanteuse, « c’est cette ambiguïté humaine qu’on avait envie de mettre en exergue. C’est comme cela qu’on perçoit l’homme, surtout après tout ce qu’on a vécu à Paris… Avec une question : sommes-nous des êtres évolués ? » Mais si l’intention de l’album tend vers la paix entre les êtres humains, qu’a-t-il réellement dans le ventre ?

Et bien on commence directement avec la chanson Gung Oh qui sert d’une entrée en matière particulièrement lourde, rockeuse et entraînante mais typique des sonorités Ponkiennes. C’est un gros « bordel » organisé où vrombissent les guitares. On retrouve clairement la patte du groupe ici. Gung Oh vient d’une expression venant du mandarin qui peut grossièrement se traduire par « tous ensemble ». Une devise qu’a adopté le groupe et qui leur a permis de surmonter tous les problèmes inhérents à la vie d’artiste, selon leurs propres mots. Tout dans ce titre semble vouloir confirmer un tournant définitif vers le rock. Or ce virage est discuté dès la deuxième chanson avec la très electro et hypnotisante Fear Ya. C’est un morceau puissant mais qui ne se comprend pas forcément dès la première écoute. Plus vous l’écouterez et plus il y a des chances que vous finissiez par la trouver irrésistible, avec son début tout droit sorti d’un morceau de Daft Punk et les longues plaintes de Frah ponctuant la chanson.

Les deux chansons suivantes sont moins intéressantes, Faking Love étant un son pop-rock typique de ce que Shaka Ponk nous a déjà sorti par le passé et Bunker, s’il n’est pas vraiment désagréable à l’écoute, semble être un son beaucoup trop mainstream pour avoir vu le jour sous la coupe des français.

La cinquième chanson, On Fire semble être taillé pour le live. C’est un morceau rock qui fonctionne bien, se mêlant au funk qui leur est si cher. La première véritable surprise arrive avec Summer Camp, un titre entièrement acoustique sous forme de ballade. Une fois le choc initial de trouver ce type de sonorité chez les Shaka Ponk, on est face à un morceau agréable à l’écoute mais qui ne transcende en aucune manière le genre. Les surprises continuent avec Wrong Side, un morceau entièrement rock, sans aucun artifices, puissant et prenant position sur le thème de la haine organisé. C’est sans aucun doute le meilleur morceau de l’album, un vrai tour de force, qui est immédiatement suivi du jouissif et ultra-rapide Wataman.

Slam & Slam’Ed, neuvième titre, est l’extraterrestre de l’album. Séparé en deux parties, une hip-pop/funk suivi par un slam (improvisé et enregistré quasiment du premier coup) du maître Edouard Baer. C’est un morceau incroyablement atypique, groovy, et qui finit par coller à la peau au point de ne plus pouvoir s’en séparer. C’est un coup de cœur absolu qui justifie à lui seul l’album. Rusty Fonky est un autre morceau funky et rock à souhait dont on commence à avoir l’habitude alors que Mysterious Ways est plus inhabituel et calme, nous entraînant dans une mélodie douce. Le disque se finit avec Killing Hallelujah, qui fait symétrie avec Gung Oh, histoire de proposer un début et une fin sous le thème d’un rock puissant. Shaka Ponk s’oriente donc toujours vers ce rock de plus en plus lourd tout en gardant leur identité et leurs sonorités.

Que dire de cet album du coup ? Et bien je dois avouer ne pas avoir été complètement convaincu au début. Mais alors que j’étais prêt à publiquement avouer ma déception dans celui-ci, quelque chose d’étrange est arrivé. Je me suis vu retourner de plus en plus vers leur nouveau disque sans y faire vraiment attention. Jusqu’à ce qu’au final je me retrouve à écouter plusieurs mêmes chansons en boucle. Chose assez inhabituelle pour une œuvre qu’on dit ne pas particulièrement apprécier. Le disque avait fait son petit chemin, lentement, jusqu’à ce que je le comprenne plus clairement. Au final, ce qui est vraiment bon ici, ce n’est pas les morceaux aux sonorités ponkiennes connues et usées. Non, c’est bien la prise de risque. Tout ce qui sort de ce qu’ils ont l’habitude de nous proposer est un vent de fraîcheur qui fonctionne vraiment bien ! On se retrouve donc avec un album assez hybride, tant en qualité qu’en nouveautés et en sonorités.

Je ne peux que conseiller à Shaka Ponk de continuer à explorer de nouvelles voies, c’est sans aucun doute là-dedans qu’ils sont les meilleurs. J’attend donc avec impatience tout autre bizarrerie que les funky français seront capable de nous balancer à la face, en espérant qu’ils ne perdront jamais leur fougue et leur énergie créatrice. Je m’empresserai de foncer à tout concert qu’ils daigneront donner dans le Plat Pays, et je vous recommande chaudement de faire de même.

Article : Alexandre CHRISTOFFEL