Une nuit au Marni #2 Houben & Son : Vents cuivrés et artisanat familial

Samedi soir était encore un soir de grandes premières. Le Marni Jazz Festival mettait la famille Houben à l’honneur. Steve et Greg, le père et le fils, nous faisaient découvrir le jazz comme entreprise familiale et innovante dans un Théâtre Marni subjugué.

Houben & Son, le nom n’est pas anodin puisqu’il symbolise l’artisanat familial. Il ne s’agit ni plus ni moins que de la réunion d’un père et d’un fils autour d’une passion commune et contagieuse, la musique. Cette quinzième édition du Marni Jazz Festival est décidément riche en surprises ! On pouvait s’attendre à des projets nouveaux et ambitieux mais il faut admettre que celui-ci avait une saveur tout à fait particulière. Steve Houben, on ne le présente plus. Musicien remarquable tant à la flûte qu’au saxophone, ancien directeur du Conservatoire Royal de Liège, il a entre autre joué avec Maurane, Toots Thielemans, Chet Baker ou encore Gerry Mulligan. Gregory quant à lui s’est orienté vers l’accordéon, et vers l’âge de 17 ans la trompette ne le quittera plus. Plutôt bon dans l’art de la parole, il  est aussi chanteur. Merveilleux musicien, il représente sans aucun doute l’atout charme et extravagance du groupe.

Symbiose veloutée

Cette soirée-là promettait d’être intense, les talents en présence le laissaient en tout cas présager. Dès notre arrivée on constate que le public est au rendez-vous, en masse, mais la moyenne d’âge a quand même un peu augmenté. Curieux. Après un petit verre et un tour d’horizon du programme de la soirée, il est temps de prendre place dans cette salle aux murs bruts qu’on aime tant. La salle est pleine et le public est avide de nouvelles sensations, il faut dire que c’est devenu une habitude lors de cette édition. Et là, tout commence… Dès les premiers instants je comprends que ce soir je serai un serpent charmé par Gregory et son père. L’association des cuivres  est symbiotique, comme si tout dans cette famille ne faisait qu’un. La chanson d’ouverture va bien au delà de mes espérances, j’ai l’impression de léviter seul en plein milieu de la salle, j’en ai même des frissons. À ce stade c’était comme dans un jet privé, installez-vous confortablement et profitez de ce vol à destination de l’harmonie.

Nos artisans d’un soir ne sont pas deux mais bien cinq. James Williams, batteur américain qui a suivi sa belle jusque notre Plat Pays, sera mon coup de cœur de la soirée, mon métronome. Il affiche une aisance incroyable, faisant virevolter ses baguettes comme une majorette, il manipule sa batterie comme un pantin. Tout est précision sans excès de puissance, les envolées sont techniques et chirurgicales. Les amateurs de puissance étaient ce soir là toutes oreilles tournées vers Fabian Fiorini qui nous a régalé avec son jeu claquant, tantôt mélodique tantôt pressé et dissonant. On aurait cru qu’à ses mains il voulait joindre ses pieds, sa tête, chaque partie du corps. Intenable que ce pianiste omniprésent. Viens enfin cette contrebasse profonde, projetant des notes qu’on pouvait pratiquement serrer dans la main. Cédric Raymond était le maître de cette contrebasse concrète. Le tout tenu en place par un cadre solide, le silence. Un silence intelligent qui donnait à cette formation encore plus d’authenticité. Tous ne l’auront peut-être pas remarqué mais il était bien là, par moments, dressant sa main comme pour nous arrêter, nous coupant le souffle avant la prochaine bousculade.

Ce concert était confortable. En toute honnêteté je vais vous dire qu’il me manque déjà. Gregory Houben, en plus de nous faire rire quand il ne joue pas, nous hypnotise et nous prend par la main avec ce regard à la fois séduisant et inquisiteur. Son jeu est toujours aussi convaincant et sa voix rassurante. Il dégage une réelle énergie, un truc bon et sincère. Steve c’est plutôt la force tranquille, il est dans son trip. Aussi modeste que surdoué, son saxophone suggère ce que la musique a de plus beau.  Il nous tarde à l’équipe et à moi de découvrir ce qu’il va advenir d’Houben & Son. Attention ! L’album arrive et il va faire des heureux.

Article : Guillaume Keppenne