Un dimanche soir au Botanique. Le guichet affiche sold out. La foule se presse vers le devant de la scène pour applaudir le jeune homme venu tout droit de Newcastle. Les groupies sont là pour l’entame de cette tournée européenne et se font entendre. Les lumières s’éteignent. Sam Fender monte sur scène pour défendre son premier EP Dead Boys et livre une prestation mature, honnête et poignante.
Il faut dire qu’il en a fait du chemin. Avant que sa guitare ne lui offre une porte de sortie, Sam Fender battait le pavé sans rien d’intéressant à faire et nulle part où aller. Dans une ville morne et assez déprimante, Sam explique avoir grandi avec la crainte de se retrouver sans emploi et ne pas savoir quoi faire de sa vie. « J’ai loupé mes examens à l’école parce que j’étais trop occupé à faire l’idiot et à jouer de la guitare. J’ai fini par travailler dans un pub pendant deux ans. Je n’avais pas vraiment d’avenir tracé. Je ne savais pas comment faire décoller ma musique. A un moment donné, il me semblait presqu’inévitable que j’allais rester coincé ici ».
Aujourd’hui Sam n’a plus trop de soucis à se faire. Il gravit les échelons pas à pas et n’est pas prêt de s’arrêter. Ses singles Play God et Start Again l’ont propulsé dans la prestigieuse playliste BBC Sound of 2018. Supporter de Newcastle, il a réalisé un rêve de gamin en voyant son single Play God figurer dans la playliste de FIFA 19. Sam a passé les 12 derniers mois soit sur scène, à l’étroit dans un van sur la route ou à peaufiner son premier EP dans son studio DIY dans un vieil entrepôt, non loin de l’endroit où il servait des pintes il n’y a pas si longtemps encore.
Sur scène, il ne faut pas longtemps à Sam Fender pour justifier pleinement la réputation qui le précède. Dès le premier morceau Millenial, la foule est saisie par l’assurance du chanteur. Sa voix est forte, précise. Il à la dégaine et la maturité de son idole, Bruce Springsteen (qu’il reprendra d’ailleurs en fin de set) et la sensibilité et la fraîcheur d’un Jeff Buckley. Les morceaux s’enchaînent avec énergie et Fender plonge le public dans son propre univers en alternant envolées puissantes (The Sound, Greasy Spoon) et ballades sirupeuses (Leave Fast, Use)
Ce qui frappe le plus le spectateur est la maturité du jeune artiste. Du haut de ses 22 ans, Sam Fender fait preuve d’un discernement impressionnant. Il ne parle pas pour ne rien dire. Ses textes sont engagés et ses paroles sont frappantes de sincérité. Avec Dead Boys, il veut sensibiliser son public à la problématique du suicide masculin. « We close our eyes, learn our pain nobody ever could explain all the dead boys in our hometown » clame le chanteur dans ce morceau poignant. Dans ces moments d’une intensité rare, le public reste sans voix et est pleinement à l’écoute. Sam Fender remercie le public belge d’être si bienveillant et attentif. « Vous êtes vraiment respectueux. Vous venez vraiment pour la musique. J’adore voir les différents publics d’Europe. J’apprécie vraiment jouer chez vous. Vous devriez voir Glasgow ! (rire) ».
Sam Fender respire l’authenticité (et pas uniquement à cause de son accent du nord de l’Angleterre !). C’est un artiste honnête. Il dit ce qu’il pense et pense ce qu’il dit. Cela se ressent. Lorsqu’il chante, il interprète avec justesse chacun des mots qu’il prononce. Il ne se cache pas. C’est un gars simple, qui sait d’où il vient. « Je n’arrive pas à croire que j’ai la chance de faire ce job ». Il joue tous les soirs avec ses meilleurs potes qui sont devenus ses musiciens et compagnons de tournée. « A la guitare, voici un de mes meilleurs ami. Il remplace notre guitariste qui s’est cassé la jambe pendant la tournée anglaise ». Sam Fender vit ce à quoi chaque jeune musicien aspire. « Ca peut paraître cliché, mais je me sens vraiment comme dans un rêve ». Entre deux morceaux, il explique les galères de tournée en évoquant leur soucis du jour lorsque l’ampli du bassiste est resté coincé dans l’ascenceur. Sa sincérité vis-à-vis de son audience crée une véritable relation qui permet au public d’être conquis à la fois par le personnage et par sa musique.
Après 50 min de show accompagné de ses musiciens (batterie, guitare et basse), Sam Fender conclut son concert en solo. Un moment plus intimiste. « Voici un tout nouveau morceau. Sur la version studio, il y aura toute une chorale mais ici je n’ai que ma guitare avec moi. Ca fera l’affaire. » Armé uniquement de sa voix et de sa guitare, Sam Fender démontre une nouvelle fois son talent de songwriter. C’est parfois dans les versions plus dépouillées qu’on reconnait les grands artistes. En fin de set, Leave Fast résonne dans la salle devant un public stupéfait devant la voix singulière du chanteur. Il clôture avec une reprise du Boss, Dancing In The Dark, avant de quitter sobrement la salle sous les applaudissement d’un public conquis.
Sam Fender réussit le pari d’affirmer qu’il fait non seulement partie des grands d’aujourd’hui mais aussi de ceux de demain…
Article : Renaud Verstraete
Photos : Benjamin Meulemans pour Vrtikal