Un samedi soir au Marni. Les amoureux de Jazz, les mélomanes avides de découvertes mais aussi le grand public ont arpenté les couloirs de la salle bruxelloise à l’occasion du Marni Jazz Festival. Une édition consacrée cette année à l’instrument de Miles, de Chet, de Dizzy et des autres. Une fois n’est pas coutume, la salle est comble. C’est sans surprise que l’on retrouve la grande famille du Jazz et les habitués de la maison. Il faut dire que cette soirée est spéciale. On met les petits plats dans les grands : discours d’introduction, petits fours, … C’est qu’il y a un anniversaire à fêter et surtout 40 bougies à souffler ! Quoi de mieux pour célébrer l’anniversaire du label IGLOO Records que de réunir au Marni les artisans qui ont fait de ce projet de quelques passionnés, un pilier de la promotion culturelle belge.
40 Years !
Né en 1978, petit igloo est devenu grand. Dès ses débuts, les ambitions d’IGLOO Records étaient claires et sa mission bien définie : promouvoir la diversité et permettre aux artistes plus marginaux de se faire entendre. De grands noms du Jazz ont collaboré avec le label tel que le célèbre trompettiste américain Chet Baker et Philip Catherine, guitariste belge hors pair. IGLOO Records a toujours eu vocation de faire émerger les talents nouveaux dont regorge notre plat pays. Depuis 40 ans, de nombreux artistes ont pu trouver chez IGLOO Records un accompagnement professionnel qui leur a permis d’éclore sur la scène belge. Certaines mauvaises langues ignorantes diront que le Jazz est une musique morte, jouée par des vieux pour les vieux. Or le Jazz se veut par définition être une musique en constante évolution. Le label a su suivre ce renouvellement continu en tirant le meilleur de chaque génération et ce, depuis quatre décennies. La maison de disque a ainsi aidé à façonner le paysage culturel belge en permettant la découverte de certains ténors du Jazz actuel tel que Eric Legnini, Manuel Hermia, ou encore Mélanie de Biasio. La scène Jazz belge est depuis quelques années en pleine effervescence. Igor Gehenot, Antoine Pierre, Lorenzo di Maio, Guillaume Vierset, pour ne citer qu’eux, portent haut les couleurs du Jazz belge.
Complicité et communication
Après le traditionnel discours d’anniversaire prononcé par un représentant d’IGLOO, l’heure était évidemment à la fête. C’est à la trompette de Jean-Paul Estievenart qu’incombait la tâche de souffler les 40 bougies du label et de lancer ainsi cette soirée d’anniversaire. Le jeune trompettiste (que l’on avait déjà pu acclamer en ouverture du festival) était de retour sur la scène du Marni. Pour ce projet en trio, Jean-Paul Estievenart s’est entouré d’une section rythmique solide, précise et fine. La batterie d’Antoine Pierre vient souligner et appuyer les envolées de la trompette tandis que la contrebasse vigoureuse apporte énergie et structure. Pour cette soirée spéciale, Jean-Paul Estievenart s’est doté d’un quatrième musicien, le pianiste Fabian Fiorini. Trio devenu quartet, le groupe impressionne en dévoilant une musique sombre et à la fois scintillante. Fort du répertoire des quatre musiciens, le groupe propose une palette de compositions diverses qui nous transporte dans des univers éclectiques. Jean-Paul Estievenart en profite pour présenter des morceaux de son dernier disque Behind The Darkness sorti fin 2016 (sur IGLOO Records !). Le trompettiste est en forme aussi bien derrière son instrument que lorsqu’il s’adresse au publique provoquant parfois l’hilarité générale aussi bien sur scène que dans la salle. L’ambiance est donc à la fête et à la décontraction pour cette soirée d’anniversaire. La grande complicité des musiciens permet à la musique de prendre une autre envergure. Les musiciens se connaissent et s’apprécient, se répondent, communiquent. Le courant passe. Jean-Paul Estievenart dira d’ailleurs en parlant de ses musiciens qu’ils l’accompagne mais que lui les accompagne également. Le plaisir que prennent les musiciens est communicatif et on ne peut s’empêcher d’arborer notre plus beau sourire à la fin du set. Un concert de Jazz comme on voudrait en voir beaucoup.
Diversité et symbiose
Changement de plateau. Antoine Pierre et Jean-Paul Estievenart reviennent sur scène pour la seconde partie du set, accompagnés par les autres membres de LG Jazz Collective (Guillaume Vierset (g) Alex Koo (p), Felix Zurstrassen (b), Rob Banken (sa) et Steven Delannoye (st)). C’est au tour du jeune collectif de faire son entrée devant le public du Marni, conquis et prêt à applaudir la finesse des compositions du Septet. Les sept musiciens, ceux que l’on surnomme les « Magnificent Seven » de la jeune scène Jazz, font partie des talents les plus en vogue du moment. Emmené par le guitariste Guillaume Vierset (Harvest Group, mais aussi musicien de Typh Barrow), le collectif a sorti son deuxième album salué par la critique Strange Deal, le 1/01/2018. Un disque qui charmera les mélomanes avertis mais aussi ceux qui désirent se laisser porter par ces merveilleuses mélodies. Sur scène les sept musiciens insufflent aux morceaux de ce second album de nouvelles couleurs. Tout est parfaitement maîtrisé, exécuté à la perfection tout en restant extrêmement organique et vivant. Le LG Jazz Collective démontre une nouvelle fois pourquoi ils restent un incontournable de la nouvelle vague Jazz belge.
Qui dit anniversaire dit aussi invité surprise. Cerise sur le gâteau, le chanteur liégeois Sacha Toorop a rejoint le LG Jazz Collective en deuxième partie de concert. Cette collaboration illustre parfaitement la diversité des artistes d’IGLOO Records. Sacha Toorop entre en scène et apporte une présence scénique qui n’est pas sans rappeler par moment celle de Tom Barman (qu’Antoine Pierre côtoie dans le projet Taxi Wars). Le LG Jazz Collective se métamorphose, prenant une tournure plus groove pour accompagner le chanteur à la voix si particulière. L’interprétation de Sacha Toorop trouve parfaitement écho dans la musique du collectif de Jazz, vivante et fluide. Le mélange qui ressort de cette collaboration est assez surprenant mais pourtant irrémédiablement prenant.
« Happy Birthday IGLOO »
Pour clore ce concert et cette soirée digne d’un quarantième anniversaire, les musiciens et Sacha Toorop entame tous en chœur « Happy Birthday IGLOO » en proposant une version revisitée de cette chanson qui évoque en chacun l’odeur des bougies soufflées et celle du gâteau aux fruits. Ce feu d’artifice final époustouflant clôture avec brio cette soirée d’anniversaire en bon et due forme. Un anniversaire mémorable pour le label Igloo qui se tourne dores et déjà vers le futur : « 40 ans c’est l’âge du renouvellement, d’une nouvelle étape » disait dans son discours d’introduction le représentant d’Igloo Records.
Une chose est sûre, l’igloo continuera à entretenir le brasier ardent du Jazz et des musiques actuelles de notre pays, qui ne manque décidément qu’à se faire entendre.
C’est ainsi que se clôture l’édition 2018 du Marni Jazz Festival que nous avons pu vous faire vivre de l’intérieur. On se donne déjà rendez-vous en septembre prochain pour une nouvelle semaine Jazz dans l’antre bruxellois de la découverte qu’est le Théâtre Marni.
Article : Renaud VERSTRAETE